Dernière semaine d’un été un peu fade en émotions et enfin le retour en ville, quitter la campagne, retrouver mon école d’art, remonter sur scène, vivre mes 17 ans, entièrement, à 200%, contrebalancer cet été et oser toute les folies. Je rêve de passer le cap avec mon cracheur de feu, mi philosophe, mi anarchiste mais 100% électrisant.
Ce soir, c’est l’anniversaire de Fred, fils cadet d’une famille d’importateurs de fraises. Nous serons une vingtaine dans cette immense ferme.
Je ressors enfin ma tenue d’originale. J’ai pris le temps de choisir méticuleusement chaque élément, je me dis que mon incendiaire sera peut-être là. Je serai toute de noir vêtue, bas opaque, tunique avec ce décolleté carré dans laquelle je me sens bien. je soigne particulièrement mon choix de dentelles et pose fièrement ce chapeau type haut de forme sur mes longs cheveux châtains détachés .
Un petit air d’Amélie Nothomb, l’espoir chevillé au corps, l’œil pétillant, j’agite la main lorsque la voiture de mon père s’éloigne.
Fred se précipite pour m’accueillir, il est plus que visiblement intéressé par la courbe de mes reins et le regard qu’il y dépose est sans équivoque.
Rassurée de mon choix vestimentaire, je décide de cloitrer mes complexes ce soir et de jeter la clé au milieu des blés…
Je parcours l’assemblée des yeux, ma flamme s’éteint, je suis si déçue qu’il ne soit pas là. Heureusement, ma meilleure amie prend les choses en mains, me flatte, me remonte le moral, et reste à mes côtés malgré la présence de celui avec qui elle partage un amour fou depuis 3 ans, ce couple me fait rêver.
Notre hôte, ce soir, Fred c’est les balades nature, c’est la bienveillance incarnée, c’est une montagne de douceur, une jolie peau, un corps sans faille mais c’est aussi le manque d’originalité, trop de sucre, pas assez de piquant pour combler mes envies d’audace, de chemins parallèles, de liberté face aux normes.
Au moment du coucher, je ne peux accepter sa proposition de chambre douillette et la possibilité de dormir sur la paille avec les autres me tente peu. En toute logique, ma jolie Karine se sacrifie, elle me propose de partager sa tente avec son Olivier.
« On sera serrés mais allez, ça va être chouette, je t’assure, ça ne nous dérange pas »
Soulagée, un peu embarrassée de leur enlever la possibilité d’une nuit coquine en pleins champs, je fini par accepter.
C’est vrai que c’est petit, c’est vrai que nous n’avons pas de lumière, les gsm n’existaient pas encore et ils n’avaient rien prévu. Une jolie crise de foux-rires avant de trouver une position confortable. Moi, en tailleur contre une paroi, eux, enlacés juste face à moi, je les devine dans la pénombre et me trouble un peu du bruit de leurs baisers.
Je me souviens d’un cœur triste, d’une conversation sur l’amour, de leur avoir chanté la chanson travaillée lors de mon stage estival, de mon émotion à fleur de peau. Et pendant que je chante « Quand il me prend dans ses bras, qu’il me parle tout bas,… ». Je me souviens de la surprise de cette main sur ma cuisse, chaude, inattendue.
Je me souviens de ce silence chargé de tensions, de la fuite de la tristesse, du cœur qui s’accélère.
Je sais que ce geste n’est pas un geste de réconfort mais je perçois l’odeur familière de ma meilleure amie, et je suis soulagée. Quelques secondes seulement car un flot de questions tourbillonnent avec mes sens.
Une tension palpable flotte dans l’air, le temps s’est arrêté, plus rien ne bouge, une présence forte, une envie sourde qui nous englobe silencieusement.
Je me souviens du souffle qui revient, il est court, mon cœur cogne, mes dents s’emparent de ma lèvre inférieure, le désir monte en moi, la porte des possibles s’ouvre violemment.
Je ferme les yeux sur ces nouvelles sensations, je me souviens d’un froissement, du bruit d’un corps qui bouge, d’une chaleur qui devient plus présente. Une autre main sur l’autre cuisse. Plus ferme, plus directe, plus brute, masculine, je frissonne, je comprends, je souris, non, je ris, elle rit, il rit, une pression qui se relâche, nous rions et une bouche s’empare subitement de la mienne.
Des lèvres douces, pulpeuses, voluptueuses, une langue caressante, une autre féminité dans mon intimité.
Une explosion interne, je bascule, nous basculons, je conjugue et conjure Olivier de ne pas s’arrêter. Je pose ma main sur la sienne et lui intime de continuer à bouger encore ses doigts si longs, si fins. Ils me parcourent, font le tour de mon ventre, pénètre sous ma tunique et s’empare sans ménagement de mon sein droit, il le prend violemment, il le serre, le malaxe, je soupire sous l’œil de sa complice.
Ebahie, osant à peine croire ce qu’il se passe autour de moi, je flotte, je lâche, je déconnecte et je sens, je vibre, je me laisse triturer, caresser, 4 mains dansent ensemble. C’est trop, trop intense, trop subit, trop irréel, trop beau, trop bon, pas assez lent pour que mon cerveau puisse prendre le relai.
Je suis étonnée mais heureuse de ce piège visiblement orchestré de longues dates.
Je me souviens ensuite de mes bas, deux mains de chaque côté, ils me déshabillent, lentement comme s’ils avaient peur de me brusquer, avec une douceur insoutenable, cette nouvelle sensation de pression interne.
Je me souviens que je veux encore leurs mains et que c’est précisément à ce moment que ma torpeur se dissipe.
Je me redresse, mes genoux nus dans l’herbe humide.
Olivier se lève et s’éloigne, le bruit du métal et du cuir enfonce un glaive dans mes tréfonds. Je ne sais pas encore que ce bruit marquera ma sexualité pour toujours. Une mémoire du corps…
Un regard indéfinissable de Karine, son sourire qui nous lie. Il ne se passe rien qu’une fraction de seconde entre chaque mouvement mais le temps est dissolu, l’espace entre nous est infini puis s’évapore.
Nos bouches folles se trouvent, se cherchent, se mangent avec l’avidité de la découverte, avec sa silhouette à lui, si discrète et si omniprésente.
Puis ce baiser à trois, affolant, un peu de sa bouche à elle, ses lèvres plus rugeuses et la folie de trois langues qui dansent ensemble…
Les éléments s’opposent et s’attirent, c’est le chaos de la raison.
Une main se tend vers moi, elle m’élève, me fait grandir, debout tous les trois, en triangle, nos yeux s’attardent sur nos bustes. Olivier nous est livré torse nu, juste un caleçon, en tissu léger, de ceux dont on fait les chemises. Karine et moi paraissons sages, à côté de lui, en tunique et slip, les jambes nues.
Elle me fixe avec un sourire empreint de luxure, un clin d’œil m’invite à, comme elle, le regarder dans les yeux. Comme elle, à travers le tissu, dégrafer mon soutien-gorge, me contorsionner maladroitement.
Mes yeux ne tiennent pas l’audace et admire mes pieds terriblement nus face à 4 autre pieds nus.
Nous envoyons valser nos dentelles.
Je me souviens comme elle était belle, la joie épanouie de sa bouche, la légèreté de ses gestes, une féminité si parfaite pour moi, la ronde, l’engourdie. Elle nous fascine, nous la fixons.
Commence alors ce moment ahurissant, debout, à moitié nus, nos mains se mélangent, se caressent, s’enlacent et dérivent sur nos corps. L’évidence d’avoir deux mains, une explication divine, le ying et le yang en un seul geste, une osmose parfaite, la force et la douceur, un corps abrupt, l’autre voluptueux. Combien de temps sommes-nous restés ainsi à découvrir nos corps simultanément ?
Je ne me souviens plus, ni comment nous nous sommes retrouvés sur une couverture d’ailleurs. L’homme dans toute sa puissance, entourée de ses nymphes, déshabillé par nos gestes simultanés comme pour mes bas tout à l’heure.
Il est beau et honorable ce premier sexe tendu de désir, fort, épais, les veines saillantes, comme celle des grands sportifs en plein effort, il m’impressionne et m’attire, le premier touché me comble de bonheur.
Elle va me guider, m’apprendre son corps à lui, je découvre la subtilité des caresses masculines, elle m’offre les clés de son plaisir, me les confie. Je le découvre et me découvre, tout en douceur et en intensité.
Je me souviens de cette première fois, ma bouche sur votre virilité, Messieurs, nous étions deux, en face à face, l’œil complice chargé de nos confidences d’amies, de nos séances de karaoké improvisées, de nos temps de midi hors la loi, de nos confidences de filles. Il y a dans nos yeux autour de lui, une étincelle, un éclair. Nous le délaissons pour un baiser profond, un mélange de nos langues et de son gout salé et amer.
Notre homme partagé, notre pacha, nous offre sa place, une à une, l’invitée d’abord… Je me souviens de ces mots… Confirmation du doux complot.
Ils se concentrent sur ce sexe, ce tabou, cet autiste qui ne connaissait que mes doigts. Il explose sous les langues d’un couple d’amis amoureux, dans un champ au milieu de la ville. C’est ainsi. Je vais devoir m’y faire, me voilà un peu plus femme, je l’ai fait. Entre euphorie et nostalgie, mon intime secret.
Une libération d’une énergie étonnante qui m’affranchit, elle aura droit à nos fougues et moi, à des souvenirs emplis de ses cris et de l’image de son corps parfait qui se cambre effrontément.
Nous nous effondrons sur elle, épuisés, repus, heureux, nous lui servons de couverture. Il me caresse le dos puis les cheveux, je m’apaise et m’endors. Ma première nuit d’une autre vie. Celle qui pousse ses portes de ma vie de femme.
Un réveil étrange, je me souviens du cri du coq qui nous rappelle l’endroit, la tente, notre nuit, notre folie. Je m’éblouis de ces deux corps à mes côtés, magnifiquement dénudés eux aussi. Je me souviens du froid sur nos peaux, nous nous resserrons et nous embrassons.
Le retour obligatoire à la réalité, la société, les parents de Fred qui nous accueillent, les copains qui ne se doutent de rien, l’image, la norme et …l’urgence du pipi du matin. Karine enfile le long pull d’Olivier et sort, nous laissant seuls tous les deux.
L’autre explication inattendue… ce besoin naturel, irrépressible, servait donc à ce que je puisse vivre ce moment-là…
La tirette à peine abaissée, un assaut merveilleux, son regard, ces mots…il veut ma bouche, rien que moi, rien que nous. Il voudrait plus, il voudrait tout. Il a envie de moi, juste moi, moi, la sous- femme, la ronde, celle qui a des défauts. Il me veut, moi. Le ciel s’ouvre. Ma vie s’ouvre, retrouver ce désir dans le regard d’un homme devient l’ultime et délicieux graal.
La tirette se relève, c’est mon tour, les femmes d’abord. Que se sont-ils dit à ce moment-là? Lui a-t-il raconté ces minutes ? Je ne le saurai jamais.
Ensuite… il a fallu effacer l’existence de cette tente, empaqueter, aller déjeuner avec tous les autres. Effacer les traces de cette nuit, mais ne jamais l’oublier. L’installer confortablement au fond de soi tel un trésor inestimable.
Je me souviens, je n’ai pas faim de nourriture ce matin-là, j’ai faim de vie.
L‘hypocrisie du monde me percute et me fouette le visage. Cette morale qui nous impute la honte de s’être aimé, le temps d’une nuit, d’avoir laissé parler nos corps, d’avoir goûté à l‘interdit.
Il me faudra des années pour oser remettre les notions de couple, de fidélité, d’exclusivité au centre de mes préoccupations. Il aura fallu que je devienne mère, que je couve telle une louve, il aura fallu qu’il grandisse. Il aura fallu que mon brasier soit menacé à force de dénégation. Il aura fallu une énergie puissante qui me pousse vers la vie…pour que je puisse rêver… Imaginer pouvoir revivre et partager de tels moments… Loin des envies de mettre une croix devant la case trio d’un mauvais journal intime… Mais dans l’envie de partager le cadeau que l’on vit et toujours dans cette envie de vivre intensément avec complicité…partager notre magie le temps d’un soir… Peut être un jour… Au détour d’un champ, une jolie pause, un petit brin d’herbe , un jolie pensée qu’on aura envie de cueillir ensemble. Juste saisir les merveilles de la vie…
4 mots qui en font deux tiens …comme ces 4 mains sur mon corps alors…
Ces mots qui claquent et me poussent vers l’avant…En Vie En Corps
La suite de l’histoire, les matins qui ont suivi ceux-là ? Parce que là il y a une suite, terrible suite qui m’a construite aussi… Parce que ces jeux… Ne sont jamais anodins…
Nous nous sommes explorés quelques fois, mais sans retrouver la fougue de cette nuit champêtre.
Olivier et Karine se sont disloqués, dissous comme un cachet d’aspirine, pour moi, à cause de moi.
On s’est aimés avec un respect infini, nous avons vécu 8 mois exclusifs.
Elle m’a préparé à vous aimer, Messieurs, en m’apprenant à m’aimer et à m’accepter.
Elle a réussi à me convaincre de me laisser dessiner, elle a affiché mon corps dans toutes les positions possibles, là, étalé, exposé en grand format sur les murs de sa chambre.
OOOh ça ne s’est pas fait tout de suite, non, juste la main pour commencer, les extrémités, le centre et puis me relier, me remplir, me reconstruire.
Elle m’a répété 1000 fois qu’elle me trouvait belle, me qualifiait de rubénienne.
J’ai pris un peu de l’assurance qu’il me manquait et le besoin de vous trouver s’est installé. J’étais enfin prête à réclamer d’être emplie de vous, de trouver mon intime inconnu.
Moi qui rêvais d’audace, de chemins parallèles, de liberté face aux normes moi, qui était attiré par l’anti conformisme, la vie venait d’exaucer un vœu et m’a fait cette nuit-là aussi un magnifique premier cadeau.