Fulayo, cité de la nuit

Neuvième jour du septième mois de l’ère de Genna

Edo quartier de Yoshiwara

Ici on fait l’amour, jour et nuit en cette cité sans nuit de Fulayo,

Je ne suis qu’un bonze qui au crépuscule de sa vie avant que mon pinceau ne s’assèche définitivement, veut vous compter les mille plaisirs que j’ai eu dans ma longue vie. Je voulais être samouraï mais mon père en décida autrement, tu seras bonze avait-il dit péremptoirement.
Ce fut mon frère qui devint guerrier.

Mais après des années d’enseignement, plutôt que d’attendre ma subsistance de la contemplation, je m’étais fait passeur. Le chois de ce métier, s’il répondait à mon goût prononcé que j’avais pour la navigation en eau douce, me permettait de surcroît d’entretenir, par l’exercice, des capacités sexuelles que j’avoue hors du commun .

Laissant à mes frères bonzes, retirés du monde la pratique du jaku-dô, la voie des éphèbes, je préférais la fréquentation de la dan-hô, la princesse des fleurs, autrement dit la royale porte qui s’entrouvre à l’approche d’un pénis bien portant parvenu au faite de sa gloire.
Le mien était capable de se surpasser et la chose s’était vite sue dans la contrée.

Un jour trois suivantes d’une châtelaine veuve qui demeurait non loin résolurent de s’assurer par elle-même que la flatteuse réputation dont je jouissais n’était pas usurpée.
Elle en jouirent à leur tour dès que ma barque se fut éloignée du rivage. L’une après l’autre, elles purent apprécier pleinement ma vigueur. Mon phallus, ne plaignait pas sa peine et permit plusieurs fois à chacune d’entre elles d’atteindre l’extase.
Quand vint l’accostage, me voyant toujours frais et dispos , elles me proposèrent de les accompagner chez leur maîtresse afin qu’elle connaisse, elle aussi la sublime jouissance dont elles avaient profité.

Ne pouvant me faire entrer ouvertement dans la partie du château en principe interdit aux hommes, où d’ailleurs elles vivaient auprès de la dame qu’elles servaient, elles me firent me dissimuler dans un grand sac afin que nul ne me vit.
La châtelaine, sensible à l’attention de ses suivantes, mit aussitôt à l’épreuve ma virilité. Apparemment je ne la déçus point, tant je montrais tant d’ardeur à la conduire dans les forêts de la jouissance, que j’arrosais de mon sperme généreux, tandis que la sève jaillissant des profondeurs les plus secrètes du sexe pénétré par mon pénis, le coiffait de la couronne royale du plaisir partagé.

Nous fîmes ainsi l’amour toute la nuit sans avoir à consulter les règles des quarante-huit positions telles que le prescrit « l’oreiller de Yoshiwara », le livre de chevet des courtisanes d’Edo.

L’herbe du printemps, qui couvrait de son soyeux manteau le triangle d’or blotti entre les cuisses de marbre rose de la jeune châtelaine, frissonnait encore sous la caresse de ma verge laiteuse lorsque vint l’aube.
Ayant joui sans trêve de mes faveurs, elle fit appeler ses trois suivantes et, sous couleur de les remercier de lui avoir procurer des joies indicibles, leur abandonnant son amant, votre serviteur.

Les trois filles, retenant à grand-peine leur désir, m’emmenèrent dans les cuisine du château afin que je me nourrisse convenablement, sans cependant que je risque, en mangeant et buvant à l’excès , de perdre la face, en même temps que mes moyens.

Déjà l’appétit de leur ventre affamés de coït excitait délicieusement les papilles gustatives de leurs sexes, gonflées de sécrétions impatientes.

Je déjeunais ainsi, heureux d’un agréable suspense qui n’excluait pas les caresses expertes de ses trois amies. Quand je fus rassasié plus qu’elles ne l’auraient souhaité, je pris la plus âgée et, sans faillir, je montrais une ferveur plus grande encore que sur ma barque et un art consommé dans la progression du plaisir. Les deux autres suivantes m’encourageaient, tout en m’entourant de leurs soins pour mieux se préparer à prendre la suite de leur aînée. Puis tandis que celle-ci approchait de l’orgasme, elles s’aimèrent l’une et l’autre avec frénésie joignant leurs râles au notre.

L’entremêlement des corps à l’apogée de la jouissance était tel, qu’on ne pouvait distinguer qui aimait qui et comment. L’œil vissé à la serrure de la porte de la cuisine, la châtelaine, à notre insu, prit-elle aussi son plaisir jusqu’au soir.

Il en fut ainsi qu’il avait espéré. Jusqu’au matin suivant, je m’unis à elle sur sa couche, tandis qu’au pied du lit, les trois servantes se tordaient de joie, inventant mille caresses intimes relayées par l’emploi judicieux d’un double harigata qui palliait simultanément chez deux d’entre elles la verge dont la nature les avait privées. La troisième usait d’un harigata simple, en cuir, assoupli par l’eau tiède et enduit d’une crème parfumée, pour pénétrer tantôt l’une tantôt l’autre par la voie des éphèbes, doublant ainsi leur plaisir. Puis elle s’en servait entre-temps à son profit.

Le lendemain on frappa à la porte du château. C’était la sœur de la maîtresse des lieux, venue visiter impromptu. Nonne dans un couvent du voisinage, elle était vierge. La matinée se passa en bavardage entre les deux femmes. Cependant, dans une chambre éloignée, je besognais allègrement les trois servantes qui l’une après l’autre se succédaient auprès de moi.

Quand la nuit tomba, la jeune nonne avait appris de son aînée son merveilleux secret. Excitée par les prouesses du moine que j’étais, elle pria sa sœur de l’autoriser à éprouver enfin les délices du sexe, ce qui fut fait sur l’heure.

En ayant joui à maintes reprises, seule avec moi, ou avec l’aimable participation des quatre femmes, ravie de l’initier à toutes les célestes joies du coït, elle émit un autre vœu : les faire partager à ses sœurs en religion.

Je me laissais donc enfermer à nouveau dans le sac. Ramant de concert à ma place les quatre femmes gagnèrent la rive opposée, puis le couvant.
Libéré, puis aussitôt choyé par les nonnes portées au paroxysme de l’orgie sexuelle, par la découverte de jouissance jusqu’alors inconnues d’elles, je touchais au sommet de ma puissance, offrant ma verge toujours prête, aux sexes inassouvis des religieuses.
En quelques jours j’eus fait leur éducation : les nonnes s’étaient changées en courtisane habiles.

Il était temps pour moi de reprendre mon chemin. Car ma mission était terminée, une autre allait m’être confiée.

Je n’étais point samouraï, mais tout de même au service du shogun Togugawa Ieyasu .

Depuis qu’il avait contraint les daymio à quitter leur province une année sur deux , pour résider à Edo , en les forçant de surcroît à y laisser en otage leur famille, pour les soustraire à la tentation de comploter contre lui, le chemin de Tokaido qu’empruntaient la plupart de ceux-ci était bordé d’auberges accueillantes où d’accortes servantes s’employaient à faire oublier les fatigues de la route aux seigneurs esseulés qui s’y arrêtaient chaque soir.

Ainsi j’étais chargé de pouvoir le quartier des plaisirs de Yoshiwara, ce jardin des délices, en nouvelles courtisanes.