La solitude du guerrier

Les lueurs du front le rappellent à son devoir
A la lumière blafarde de cette lampe il pense à elle

Sans elle il n’est plus rien
Oubliant son envie d’écrire, il ne pense qu’à elle
Loin d’elle, la source de ses mots se tarie
Immense est sa peine de ne pouvoir être près d’elle
Totale est sa dévotion pour celle qu’il aime
Unique est son amour, pour celle qu’il désire
Démesurée est sa passion elle
Endors toi, je veille sur toi

Demain matin il conduira ses hommes à la bataille
Un à un ils tomberont

Grande est sa peur de ne pouvoir à nouveau l’aimer
Ultime a été leur dernière étreinte
Emportée par la fureur des hommes leur amour demeure éternel
Reviens moi mon amour supplie t elle
Retrouver ses bras, est son seul but
Il est temps de se préparer
Elle est en lui, il regarde son portrait
Rouge est le soleil de matin, ce sera une journée de sang

Je marche dans la nuit
Je trébuche sous la pluie
Je n’ai plus ce port si altier
Accroché à la crinière de mon destrier
Les yeux embués par mon sang
Je sors de ce néant
Combien d’amis sont morts à mes côtés
Ils jonchent le champ de bataille parmi les fleurs des près
Je suis vivant, blessé, las et meurtri dans ma chair et dans mon âme
Oui pour toi j’ai survécu car je t’aime, même si pour toi je me damne
Cette nuit je ne suis plus ce chevalier troubadour
Qui te faisait sa cour d’amour
Les lames se sont croisées
Les boucliers se sont brisés
Les lances ont cédés
La Mort est venue en maîtresse absolue nous enlacer
En la sagesse des hommes, j’ai perdu la foi
Mais tu étais là en moi
Je ne pouvais me résoudre à mourir
Après la nuit que nous venions de vivre
Toi l’épouse bafouée
A moi tu t’es abandonnée
Nous nous sommes aimés avec tant excès
La passion au loin nous a emporté
Je reviens vers toi
Car ton âme coule en moi
Ce soir je te prendrais dans mes bras mon amour
Pour répandre ma vie en toi pour toujours
Car loin de cette haine
Je t’aime

Dans cette* *taverne oubliée
Moi pauvre chevalier
Je noie mon chagrin
Dans des verres de vin

Pour moi point de Jérusalem
Car je ne peux posséder celle que j’aime
J’erre de batailles en bagarres
Et mon âme s’égare.

Je suis devenu un soudard
Assis là j’ai l’air hagard
Je ne courre que la gueuse
Ma renommée est loin d’être fameuse.

J’ai perdu celle que j’aimais
A un autre s’est elle donnée
Maintenant pour toujours
Je ne connaîtrai plus l’amour.

Je festoie sans gêne
Pour noyer ma peine
Je m’amuse avec des filles de joie
Oui de chevalier j’ai perdu la foi

Pour une nuit de luxure
Je dépose mon armure.
Je bois, je baise
Mais rien de cela m’apaise

Je n’ai plus goût au plaisir
N’assouvissant que de bas désirs
Je n’ai plus aucun avenir
Que vais je devenir.

Puis devant il est venu s’asseoir
Cet homme m’a redonné espoir
Poète crotté il s’est défini
Chantre des plaisirs infinis.

Nous avons couru au devant d’aventures
Avec ou sans armures.
Moi les armes à la main
Lui une plume sur son lutrin

De biens belles dames nous avons troublé l’ennui
Dans de longues étreintes d’une nuit
Mon ami poète me surpris
Car plus que moi il en avait conquis.

Il me dit alors que les mots sont plus forts
Que les armes pour abattre un château fort.
Il m’appris le pouvoir de la prose
Et l’effet d’une rose.

L’épée frappe de taille et d’estoc
Mais les mots des pays d’Oil ou d’Oc
Font de réveiller la flamme
De ces merveilleuses femmes.

Je reste chevalier ma-foi
Car j’aime l’amour courtois
Je me suis fait Troubadour
Pour leur raconter l’amour.

Mon ami poète a repris son chemin
Je poursuis ma quête sans lendemain
Je me bas pour mon honneur
Et j’écris pour leur bonheur.

Ici et là, plus d’épée je me sert
Mais de ma lance au bois vert
Pour votre plaisir mesdames
Ainsi je me damne

Mais un jour prochain
Le chevalier au détour d’un chemin
Abandonnera son armure.
Ainsi finira son aventure.

Il restera Troubadour
Pour raconter l’amour
Il sera galant homme
Pour le plaisir de croquer la pomme

Mais de ces aventures galantes
Après tant d’amantes
Il n’écrira plus que des mots en forme de caresses
Pour celle qui est redevenue sa maîtresse.

Ainsi chevalier troubadour
Il retrouvera pour toujours
Celle qu’il a aimé sans détour